Interfaces est le podcast d’information et d’analyse des sujets-clés du droit de la distribution, de la franchise et de la concurrence animé par Helen Coulibaly-Le Gac et Pierre Laforêt du cabinet HLG avocats.
Episode 1 : « COVID-19 vs H1N1, mesures sanitaires prévisibles – pas de force majeure » par Helen Coulibaly-Le Gac
A l’occasion de la crise liée à l’arrivée de la Grippe H1N1 en France, la Cour d’appel de Besançon a eu l’occasion de se prononcer sur la notion de force majeure dans l’exécution d’un contrat commercial. La Cour d’appel a, dans un arrêt rendu le 8 janvier 2014 (Cour d’appel de Besançon, 2ème Chambre Commerciale, 8 janvier 2014, n° 12/02291) jugé que la force majeure n’est pas reconnue si les mesures sanitaires peuvent être anticipées.
Un bref rappel des faits …
La société ATN 25 avait pour cliente la mairie de Besançon pour laquelle elle réalisait diverses prestations de nettoyage.
Au mois de janvier 2009, pour l’exécution de son contrat avec la mairie de Besançon, la société ATN 25 s’est rapprochée de la société RDL Centre Est. Cette dernière s’est engagée à :
- Lui louer des équipements d’hygiène ;
- Lui fournir des consommables sanitaires, et précisément des rouleaux de serviettes lavables en tissu ;
- Renouveler régulièrement les stocks d’équipements et de consommables sanitaires ; et
- Effectuer un ramassage périodique des consommables.
Au mois d’avril 2009, l’épidémie de grippe H1N1 a commencé à se développer d’abord au Mexique, avant de toucher la France à l’été 2009. Dans ce contexte, la mairie de Besançon a décidé de refuser systématiquement les livraisons d’essuie-mains en tissu, lesquels étaient supposés favoriser la propagation du virus.
Les essuie-mains en tissu étaient fournis par la société RDL Centre à la société ATN 25 qui les revendaient ensuite à la mairie de Besançon. Malgré les refus de la mairie de Besançon d’utiliser des essuie-mains en tissu, la société RDL Centre a néanmoins continué à livrer et facturer la société ATN 25 pour ces produits. Le contentieux nait lorsque la société ATN 25 refuse ces produits au motif que la mairie n’en veut plus et décide de refuser les livraisons et le paiement des produits.
Le 9 mars 2011, la société RDL Centre Est a assigné la société ATN 25 en paiement de factures échues et d’une indemnité contractuelle de résiliation.
En défense, la société ATN 25 a soutenu que l’épidémie de grippe H1N1 constituait un cas de force majeure justifiant la résiliation pure et simple de son contrat avec la société RDL Centre.
En première instance, le Tribunal de commerce a rejeté cette analyse et fait droit à la demande de la société RDL Centre Est.
La Cour d’appel a confirmé cette décision jugeant que « l’épidémie de grippe H1N1 a été largement annoncée et prévue, avant même la mise en œuvre de la règlementation sanitaire derrière laquelle la société ATN 25 tente de se retrancher ».
Alors que l’arrêt d’appel relève que les relations commerciales entre les parties ont commencé en janvier 2009 (soit avant l’apparition de l’épidémie), elle juge pour autant que la condition d’imprévisibilité n’est pas satisfaite. L’imprévisibilité s’appréciant à la date de conclusion du contrat, il faut donc en conclure que les commandes litigieuses ont été passées postérieurement à l’annonce de l’épidémie de grippe H1N1. En l’espèce, c’est donc sur l’absence d’imprévisibilité des mesures sanitaires que la demande de la société ATN 25 est rejetée.
En outre, sans se prononcer expressément sur l’irrésistibilité, la Cour d’appel prend toutefois le soin de relever que la société RDL Centre Est était disposée à prendre en considération les refus de livraison des essuie-mains en tissu puisqu’elle a émis un avoir au titre des livraisons refusées et proposé un contrat alternatif avec la livraison d’essuie-mains en papier à usage unique. En conséquence, non seulement le caractère imprévisible n’a pas été reconnu mais on peut également penser que la cour n’était pas convaincue par le caractère irrésistible de l’évènement.
